lundi 17 avril 2017

À l’est

À l’est
La montagne est morte
À l’ouest
La montagne est morte
Au sud
Il n’y a pas de montagne
Au nord
C’est là où je me déplace

Seul le nord naïf me guide
Impuissant
Même les mensonges ne peuvent me défendre
Je comprends à qui j’appartiens
Je supporte de vivre ainsi
Je ne reviendrai plus à mes croyances
Cette caserne immuable
Une armure pour le mutisme
Je ne reviendrai plus

À l’est
La montagne est morte
À l’ouest
La montagne est morte
Au sud
Il n’y a pas de montagne
Au nord
C’est là où je me déplace

Seul avec ma marche
Seul avec l’avenir
J’assiste à la naissance d’un nuage
Suis-je dans mon espace naturel
Je fragmente mon espace
Mon cerveau est en alerte
J’ai réussi
Voici ce à quoi je ressemble
Un homme dans un conte de fées
C’est mon origine
Mon moteur fou
Qui réinvente

À l’est
La montagne est morte
À l’ouest
La montagne est morte
Au sud
Il n’y a pas de montagne
Au nord
C’est là où je me déplace

Un chauffeur géant
Qui raconte drôlement des paroles
De multiples phrases
Presque sans sens
Mais qui dirige la pensée
Qui inonde l’esprit
Qui réveille les rêves
Je fais d’arrogantes réflexions
Affamé de découvertes
Je donne le comment avant le pourquoi
Le commentaire
Et ses contraintes

À l’est
La montagne est morte
À l’ouest
La montagne est morte
Au sud
Il n’y a pas de montagne
Au nord
C’est là où je me déplace

À l’est
Je me lève
J’ouvre les yeux
À l’ouest
Je me couche
Je ferme mes yeux
Au sud
Mon corps
Et mon cœur se réchauffe
Au nord
Je joue avec les routes
Je me promène dans mon jardin

Réjean Desrosiers © 2017 04 17 001

François-Xavier Lacaze

Le criminel, c'est l'électeur.
C'est toi, ô peuple, puisque c'est toi le Souverain. Tu es, il est vrai, le criminel inconscient et naïf. Tu votes et tu ne vois pas que tu es ta propre victime.
Pourtant n'a-tu pas encore assez expérimenté que les députés, qui promettent de te défendre, comme tous les gouvernements du monde présent ou passé, sont des menteurs et des impuissants.
Tu le sais et tu t'en plains ! Tu le sais et tu les nommes ! Les gouvernants quels qu'ils soient, ont travaillé, travaillent et travailleront pour leurs intérêts, pour ceux de leurs castes et de leurs coteries.
Où en a-t-il été et comment pourrait-il en être autrement ! Les gouvernés sont des subalternes et des exploités; en connais-tu qui ne le soient pas ?
Tant que n'as pas compris que c'est à toi seul qu'il appartient de produire et de vivre à ta guise, tant que tu supporteras, - par crainte - et que tu fabriqueras toi-même, - par croyance à l'autorité nécessaire, - des chefs et des directeurs, sache-le bien aussi, tes délégués et tes maîtres vivront de ton labeur et de ta niaiserie. Tu te plains de tout ! Mais n'est-ce pas toi l'auteur des mille plaies qui te dévorent ?
Tu te plains de la police, de l'armée, de la justice, des casernes, des prisons, des administrations, des lois, des ministres, du gouvernement, des financiers, des spéculateurs, des fonctionnaires, des patrons, des prêtres, des proprios, des salaires,, des chômages, du parlement, des impôts, des gabelous, des rentiers, de la cherté des vivres, des fermages et des loyers, des longues journées d'atelier et d'usine, de la maigre pitance, des privations sans nombre et de la masse des iniquités sociales.
Tu te plains; mais tu veux le maintien du système où tu végètes. Tu te révolte parfois, mais pour recommencer toujours. C'est toi qui produis tout, qui laboures, et sèmes, qui forges et tisses, qui pétris et transformes, qui construis et fabriques, qui alimentes et fécondes !
Pourquoi donc ne consommes-tu pas à ta faim ? Pourquoi es-tu le mal vêtu, le mal nourri, le mal abrité ? Oui, pourquoi le sans pain, le sans souliers, le sans demeure ? Pourquoi n'es-tu pas ton maître ? Pourquoi te courbes-tu, obéis-tu, sers-tu ? Pourquoi es-tu l'inférieur, l'humilié, l'offensé, l'esclave ?
Tu élabores tout et tu ne possèdes rien ? Tout est par toi et tu n'es rien.
Je me trompe. Tu es l'électeur, le votard, celui qui accepte ce qui est; celui qui, par le bulletin de vote, sanctionne toutes ses misères; celui qui, en votant, consacre toutes ses servitudes.
Tu es le volontaire valet, le domestique aimable, le laquais, le larbin, le chien léchant le fouet, rampant devant la poigne du maître. Tu es le sergot, le geôlier et le mouchard. Tu es le bon soldat, le portier modèle, le locataire bénévole. Tu es l'employé fidèle, le serviteur dévoué, le paysan sobre, l'ouvrier résigné de ton propre esclavage.
Tu es toi-même ton propre bourreau. De quoi te plains-tu ?
Tu es un danger pour nous, hommes libres, pour nous, anarchistes. Tu es un danger à l'égal des tyrans, des maîtres que tu te donnes, que tu nommes, que tu soutiens, que tu nourris, que tu protèges de tes baïonnettes, que tu défends de ta force de brute, que tu exaltes de ton ignorance, que tu légalises par tes bulletins de vote - et que tu nous imposes par ton imbécillité.
C'est bien toi le Souverain, que l'on flagorne et que l'on dupe. Les discours t'encensent. Les affiches te raccrochent; tu aimes les âneries: sois satisfait, en attendant d'être fusillé aux colonies, d'être massacré aux frontières, à l'ombre de ton drapeau.
Si des langues intéressées pourlèchent ta fiente royale, ô Souverain ! Si des candidats affamés de commandements et bourrés de platitudes, brossent l'échine et la croupe de ton autocratie de papier; si tu te grises de l'encens et des promesses que te déversent ceux qui t'ont toujours trahi, te trompent et te vendront demain: c'est que toi-même tu leur ressembles. C'est que tu ne vaux pas mieux que la horde de tes faméliques adulateurs. C'est que n'ayant pu t'élever à la conscience de ton individualité et de ton indépendance, tu es incapable de t'affranchir par toi-même. Tu ne peux donc être libre.
Vote bien ! Aies confiance en tes mandataires, crois en tes élus.
Mais cesse de te plaindre. Les jougs que tu subis, c'est toi-même qui te les impose. Les crimes dont tu souffres, c'est toi qui les commets. C'est toi le maître, c'est toi le criminel, et, ironie, c'est toi l'esclave, c'est toi la victime.
Nous autres, las de l'oppression des maîtres que tu nous donnes, las de supporter leur arrogance, las de supporter cette passivité, nous venons t'appeler à la réflexion, à l'action.
Allons, un bon mouvement: quitte l'habit étroit de la législation, lave ton corps rudement, afin que crèvent les parasites et la vermine qui te dévorent.
Alors seulement tu pourras vivre pleinement.

Joseph Albert. (1875/1908) / François-Xavier Lacaze. (1972)



Joseph Albert. (1875/1908) / François-Xavier Lacaze

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